Cela aurait aussi bien pu s'intituler « animaux trouvés », comme les surréalistes parlaient d'« objets trouvés » : entités aussi improbables que saisissantes, nés de la rencontre, sur la table de l'artiste d'un bouchon de liège et d'algues séchées, de coquillages et de barbe de palmier, de filasse et de fer blanc, de bogues de châtaigne et de filaments de bronze ou de laiton. Rencontres imprévisibles dont sort en un instant un animal plus vrai que nature, à la fois impossible et ressemblant, évocateur et superbement plastique. Souris, chat, hérisson, scarabée ou scolopendre : voici tout un bestiaire, de bric et de broc, qui vivrait à la lisière du réel et de l'imaginaire.
Animaux fétiches aussi, chargés d'une puissance étrange, comme peuvent l'être un gri gri animiste ou un animal totémique : d'autant plus émouvants que les matériaux qui les composent sont résolument « pauvres », réduits parfois à de simples vertèbres ou épines: plâtre, terre cuite, bois blanc, plume, goudron, bout de grillage, bout de papier, badigeonnés de peinture ou soulignés d'or.
Nouveau registre dans les moyens d'expression, déjà multiples, de Denis Polge, qui franchit ici le seuil de la troisième dimension, passe de l'aplat au relief, dans un changement qui pourrait sembler radical, mais qui, pour peu que l'on s'y attache, reste dans le droit fil de sa démarche : le goût d'une réalité en dérive, de corps glissant à la surface des choses, d'hybrides flottant librement dans l'espace.
Patrick Mauriès
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