Amélie Dillemann et sa médaille en carton |
"Amélie Dillemann prend un plaisir ingénu à n'utiliser que des matériaux pauvres. Ni or, ni bronze, ni argent chez elle, mais du papier, du carton, de la colle, de l'encre, des rubans, des fils de soie, de coton et de la cannetille.
Arte povera: avant, et autant, qu'une région de l'art contemporain, ce fut, comme l'on sait l'humble et admirable savoir-faire des laqueurs du XVIIIème siècle vénitien, qui parvinrent à sublimer l'objet le plus commun, et le mobilier ordinaire: là encore à coups de ciseaux et de papier, d'applications et de découpes.
Dessinatrice, graphiste, modéliste, décoratrice, architecte d'intérieur, ornemaniste: Amélie Dillemann appartient en même temps au clan bien français des bricoleurs de génie, de ces artistes qui se font une joie de tirer le plus du moins, d'exalter la nature du matériau le plus trivial: ce sont les objets en débourre-pipe de Cocteau, les sylphes d'écorce de bouleau de Janine Janet, les décors d'Annie Beaumel, les osiers sophistiqués de Lina Zervudachi, pour n'en donner que quelques exemples. Scénographes de l'éphémère qui forcent le respect d'exposer ainsi le travail de leur imagination au risque de l'effacement et de la destruction.
Cela a son prix. On se hâte de conclure que ce qui est fait de rien ne vaut pas grand chose, que l'objet de peu demande peu. C'est l'inverse qui est vrai. Et c'est pour cela qu'Amélie Dillemann choisit facétieusement de "disparaître": offrant au visiteur le musée de son travail, l'archive de son imaginaire. Sacs et meubles de carton découpé, déjà célèbres, cabinets hollandais qui ne pèsent rien, théâtres de papier, restes d'anciens travaux ou germes de futurs assemblages, bijoux aériens et ailes d'anges: autant de trouvailles et de constructions poétiques face auxquelles on pourra vérifier que les petits riens, c'est déjà beaucoup, comme le dit la chanson. Et aussi, prendre enfin la mesure de l'esprit, à tous les sens du terme, de cette oeuvre à la discrète virtuosité."
Patrick Mauriès